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quaient, elle et son mari, pour tenter fortune. Le mari mort et enterré, elle avait eu une fille quinze mois après, sans savoir au juste où elle l’avait prise, car elle était sèche comme une facture, froide comme un protêt, indifférente et brutale comme un recors. On pardonne une faute, mais l’ingratitude ! Est-ce que le magasin mangé, elle, madame Foucart, ne l’avait pas nourrie pendant ses couches, ne s’était pas dévouée jusqu’à la débarrasser, en portant la petite là-bas ? Et, pour récompense, lorsqu’elle était, à son tour, tombée dans la peine, elle n’avait pas réussi à en tirer le mois de la pension, ni même quinze francs prêtés de la main à la main. Aujourd’hui, madame Sidonie occupait, rue du Faubourg-Poissonnière, une petite boutique et trois pièces, à l’entresol, où, sous le prétexte de vendre des dentelles, elle vendait de tout. Ah ! oui, ah ! oui, une mère de cette espèce, il valait mieux ne pas la connaître !

Une heure plus tard, Hubert était à rôder autour de la boutique de madame Sidonie. Il y entrevit une femme maigre, blafarde, sans âge et sans sexe, vêtue d’une robe noire élimée, tachée de toutes sortes de trafics louches. Jamais le ressouvenir de sa fille, née d’un hasard n’avait dû échauffer ce cœur de courtière. Discrètement, il se renseigna, apprit des choses qu’il ne répéta à personne, pas même à sa femme. Pourtant, il hésitait