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On plaisante, on joue au plus fin, l’apôtre Pierre et Simon le Magicien luttent de miracles. Satan, qui rôde, revêt toutes les formes, se déguise en femme, va jusqu’à prendre la ressemblance des saints. Mais, dès qu’il est vaincu, il apparaît dans sa laideur : « Ung chat noir plus grant qu’ung chien, les yeulx gros et flamboyants, la langue longue jusques au nombril, large et sanglante, la queue torse et levée en hault, demonstrant son derrière, duquel il yssoit horrible punaisie. » Il est l’unique préoccupation, la grande haine. On en a peur et on le raille. On n’est pas même honnête avec lui. Au fond, malgré l’appareil féroce de ses chaudières, il reste l’éternelle dupe. Tous les pactes qu’il passe lui sont arrachés par la violence ou la ruse. Des femmes débiles le terrassent, Marguerite lui écrase la tête de son pied, Julienne lui crève les flancs à coups de chaîne. Une sérénité s’en dégage, un dédain du mal puisqu’il est impuissant, une certitude du bien puisque la vertu est souveraine. Il suffit de se signer, le diable ne peut rien, hurle et disparaît. Quand une vierge fait le signe de la croix, tout l’enfer croule.

Alors, dans ce combat des saints et des saintes contre Satan, se déroulent les effroyables supplices des persécutions. Les bourreaux exposent aux mouches les martyrs enduits de miel ; les font marcher pieds nus sur du verre cassé et sur des charbons ardents ; les descendent dans des fosses avec