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sans craindre les fraîcheurs de la nuit ; et, quand le jour se lèvera, nous continuerons dans le soleil, encore, encore plus loin, jusqu’à ce que nous soyons arrivés au pays où l’on est heureux… Personne ne nous connaîtra, nous vivrons, cachés au fond de quelque grand jardin, n’ayant d’autre soin que de nous aimer davantage, à chaque journée nouvelle. Il y aura là des fleurs grandes comme des arbres, des fruits plus doux que le miel. Et nous vivrons de rien, au milieu de cet éternel printemps, nous vivrons de nos baisers, ma chère âme.

Elle frissonna sous ce brûlant amour, dont il lui chauffait la face. Tout son être défaillait, à l’effleurement des joies promises.

— Oh ! dans un moment, tout à l’heure !

— Puis, si les voyages nous fatiguent, nous reviendrons ici, nous relèverons les murs du château d’Hautecœur, et nous y achèverons nos jours. C’est mon rêve… Toute notre fortune, s’il le faut, y sera jetée, à main ouverte. De nouveau, le donjon commandera aux deux vallées. Nous habiterons le logis d’honneur, entre la tour de David et la tour de Charlemagne. Le colosse en entier sera rétabli, comme aux jours de sa puissance, les courtines, les bâtiments, la chapelle, dans le luxe barbare d’autrefois… Et je veux que nous y menions l’existence des temps anciens, vous princesse, et moi prince, au milieu d’une suite d’hommes