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— Puisqu’ils s’aiment, ils sont les maîtres… Il n’y a rien au-delà, quand on aime et qu’on est aimé… Oui ! par tous les moyens, le bonheur est légitime.

Enfin, Hubertine parla, de sa voix lente, debout, immobile.

— Qu’il nous la prenne, n’est-ce pas ? qu’il l’épouse, malgré nous, malgré son père… C’est ce que tu leur conseilles, tu crois qu’ils seront heureux ensuite, que l’amour suffira…

Et, sans transition, de la même voix navrée, elle poursuivit :

— En revenant, j’ai passé devant le cimetière, un espoir m’y a fait entrer encore… Je me suis agenouillée une fois de plus, à cette place usée par nos genoux, et j’y ai prié longtemps.

Hubert avait pâli, un grand froid emportait sa fièvre. Certes, il la connaissait, la tombe de la mère obstinée, où ils étaient allés si souvent pleurer et se soumettre, en s’accusant de leur désobéissance, pour que la morte leur fit grâce, du fond de la terre. Et ils restaient là des heures, certains de sentir en eux fleurir cette grâce, si jamais elle leur était accordée. Ce qu’ils demandaient, ce qu’ils attendaient, c’était un enfant encore, l’enfant du pardon, l’unique signe auquel ils se sauraient pardonnés enfin. Mais rien n’était venu, la mère froide et sourde les laissait sous l’inexorable punition, la mort de leur premier enfant, qu’elle