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monstre, ils s’épouvantaient du diable qui s’agitait en elle. Qui était-elle donc ? d’où venait-elle ? Ces enfants trouvés, presque toujours, viennent du vice et du crime. À deux reprises, ils avaient résolu de s’en débarrasser, de la rendre à l’Administration, désolés, regrettant de l’avoir recueillie. Mais, chaque fois, ces affreuses scènes, dont la maison restait frémissante, se terminaient par le même déluge de larmes, la même exaltation de repentir, qui jetait l’enfant sur le carreau, dans une telle soif du châtiment, qu’il fallait bien lui pardonner.

Peu à peu, Hubertine prit sur elle de l’autorité. Elle était faite pour cette éducation, avec la bonhomie de son âme, son grand air fort et doux, sa raison droite, d’un parfait équilibre. Elle lui enseignait le renoncement et l’obéissance, qu’elle opposait à la passion et à l’orgueil. Obéir, c’était vivre. Il fallait obéir à Dieu, aux parents, aux supérieurs, toute une hiérarchie de respect, en dehors de laquelle l’existence déréglée se gâtait. Aussi, à chaque révolte, pour lui apprendre l’humilité, lui imposait-elle, comme pénitence, quelque basse besogne, essuyer la vaisselle, laver la cuisine ; et elle demeurait là jusqu’au bout, la tenant courbée sur les dalles, enragée d’abord, vaincue enfin. La passion surtout l’inquiétait, chez cette enfant, l’élan et la violence de ses caresses. Plusieurs fois, elle l’avait surprise à se baiser les mains. Elle la