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liers brûlés, des mauvaises notes pour son caractère indomptable. C’était le journal de sa misère. Mais une pièce acheva de la mettre en larmes, le procès-verbal constatant la rupture du collier qu’elle avait gardé jusqu’à l’âge de six ans. Elle se souvenait de l’avoir exécré d’instinct, ce collier fait d’olives en os, enfilées sur une ganse de soie, et que fermait une médaille d’argent, portant la date de son entrée et son numéro. Elle le devinait un collier d’esclave, elle l’aurait rompu de ses petites mains, sans la terreur des conséquences. Puis, l’âge venant, elle s’était plainte qu’il l’étranglait. Pendant un an encore, on le lui avait laissé. Aussi quelle joie, lorsque le sous-inspecteur avait coupé la ganse, en présence du maire de la commune, remplaçant ce signe d’individualité par un signalement en forme, où étaient déjà ses yeux couleur de violette, ses fins cheveux d’or ! Et, pourtant, elle le sentait toujours à son cou, ce collier de bête domestique, qu’on marque pour la reconnaître : il lui restait dans la chair, elle étouffait. Ce jour-là, à cette page, l’humilité revint, affreuse, la fit remonter dans sa chambre, sanglotante, indigne d’être aimée. Deux autres fois, le livret la sauva. Ensuite, lui-même fut sans force contre ses révoltes.

Maintenant, c’était la nuit que les crises de tentation la tourmentaient. Avant de se coucher, pour purifier son sommeil, elle s’imposait de relire la