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rante, qu’il compromettait, sans pouvoir l’épouser un jour ; et il s’était écrié, lui aussi, qu’il mourrait du chagrin de ne pas la revoir, plutôt que d’être déloyal. Le soir même, il se confessait à son père.

— Voyons, reprit Hubertine, tu as tant de courage, que je te parle sans ménagement… Ah ! si tu savais, mignonne, comme je te plains et comme je t’admire, depuis que je te sens si fière, si brave, à te taire et à être gaie, lorsque ton cœur éclate… Mais il t’en faut encore, du courage, beaucoup, beaucoup… J’ai rencontré cet après-midi l’abbé Cornille. Tout est fini, Monseigneur ne veut pas.

Elle s’attendait à une crise de larmes, et elle s’étonna de la voir, très pâle, se rasseoir, l’air tranquille. La vieille table de chêne venait d’être desservie, une lampe éclairait l’antique salle commune, dont la paix n’était troublée que par le petit frémissement du coquemar.

— Mère, rien n’est fini… Racontez-moi, j’ai le droit d’être renseignée, n’est-ce pas ? Puisque ce sont là mes affaires.

Et elle écouta attentivement ce qu’Hubertine crut pouvoir lui dire des choses qu’elle tenait de l’abbé, sautant certains détails, continuant de cacher la vie à cette ignorante.

Depuis qu’il avait appelé son fils près de lui, Monseigneur vivait dans le trouble. Après l’avoir écarté de sa présence, au lendemain de la mort de sa femme, et être resté vingt ans sans consentir à