Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/131

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Oh ! sainte Agnès !

C’était, en effet, la martyre de treize ans, la vierge nue et vêtue de ses cheveux, d’où ne sortaient que ses petits pieds et ses petites mains, telle qu’elle était sur son pilier, à une des portes de la cathédrale, telle surtout qu’on la retrouvait à l’intérieur, dans une vieille statue de bois, anciennement peinte, aujourd’hui d’un blond fauve, toute dorée par l’âge. Elle occupait la face entière de la mitre, debout, ravie au ciel, emportée par deux anges ; et, au-dessous d’elle, un paysage très lointain, très fin, s’étendait. Le revers et les barbes étaient enrichis d’ornements lancéolés, d’un beau style.

— Ces dames, reprit Félicien, font le cadeau pour la procession du Miracle, et j’ai naturellement cru devoir choisir sainte Agnès…

— L’idée est excellente, interrompit Hubert.

Hubertine dit à son tour :

— Monseigneur sera très touché.

La procession du Miracle, qui se faisait chaque année le 28 juillet, datait de Jean V d’Hautecœur, en remerciement du pouvoir miraculeux de guérir, que Dieu lui avait envoyé, à lui et à sa race, pour sauver Beaumont de la peste. La légende contait que les Hautecœur devaient ce pouvoir à l’intervention de sainte Agnès, dont ils étaient fort dévots ; et de là l’usage antique, à la date anniversaire, de sortir la vieille statue de la sainte, que l’on promenait solennellement au travers des rues