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lac, ce terrible danger dont la délivrait un jeune homme plus beau que le jour ! Saint Georges, le tribun, le guerrier, n’était plus que ce peintre sur verre, ce jeune ouvrier en blouse grise. Quand elle le vit revenir, les jambes trempées, tenant la camisole ruisselante d’un geste gauche, comprenant le ridicule de la passion qu’il avait mise à l’arracher des flots, elle dut se mordre les lèvres, pour contenir la fusée de gaieté qui lui chatouillait la gorge.

Lui, s’oubliait à la regarder. Elle était si adorable d’enfance, dans ce rire qu’elle retenait et dont sa jeunesse vibrait toute ! Éclaboussée d’eau, les bras glacés par le courant, elle sentait bon la pureté, la limpidité des sources vives, jaillissant de la mousse des forêts. C’était de la santé et de la joie, au grand soleil. On la devinait bonne ménagère, et reine pourtant, dans sa robe de travail, avec sa taille élancée, son visage long de fille de roi, tel qu’il en passe au fond des légendes. Et il ne savait plus comment lui rendre le linge, tellement il la trouvait belle, de la beauté d’art qu’il aimait. Cela l’enrageait davantage, d’avoir l’air d’un innocent, car il s’apercevait très bien de l’effort qu’elle faisait pour ne pas rire. Il dut se décider, il lui remit la camisole.

Alors, Angélique comprit que, si elle desserrait les lèvres, elle éclatait. Ce pauvre garçon ! il la touchait beaucoup ; mais cela était irrésistible, elle