rue. Puis, une délicatesse dut lui venir, la pensée qu’il serait brutal d’interrompre leur rêve, d’entrer dans cette solitude à deux qu’ils gardaient même parmi les coudoiements des trottoirs. Et il se contenta d’un amical salut, d’un sourire où il pardonnait leur bonheur. Cela fut, pour tous les trois, très doux.
Vers ce temps, Clotilde s’amusa plusieurs jours à un grand pastel, où elle évoquait la scène tendre du vieux roi David et d’Abisaïg, la jeune Sunamite. Et c’était une évocation de rêve, une de ces compositions envolées où l’autre elle-même, la chimérique, mettait son goût du mystère. Sur un fond de fleurs jetées, des fleurs en pluie d’étoiles, d’un luxe barbare, le vieux roi se présentait de face, la main posée sur l’épaule nue d’Abisaïg ; et l’enfant, très blanche, était nue jusqu’à la ceinture. Lui, vêtu somptueusement d’une robe toute droite, lourde de pierreries, portait le bandeau royal sur ses cheveux de neige. Mais elle, était plus somptueuse encore, rien qu’avec la soie liliale de sa peau, sa taille mince et allongée, sa gorge ronde et menue, ses bras souples, d’une grâce divine. Il régnait, il s’appuyait en maître puissant et aimé, sur cette sujette élue entre toutes, si orgueilleuse d’avoir été choisie, si ravie de donner à son roi le sang réparateur de sa jeunesse. Toute sa nudité limpide et triomphante exprimait la sérénité de sa soumission, le don tranquille, absolu, qu’elle faisait de sa personne, devant le peuple assemblé, à la pleine lumière du jour. Et il était très grand, et elle était très pure, et il sortait d’eux comme un rayonnement d’astre.
Jusqu’au dernier moment, Clotilde avait laissé les faces des deux personnages imprécises, dans une sorte de nuée. Pascal la plaisantait, ému derrière elle, devinant bien ce qu’elle entendait faire. Et il en fut ainsi, elle termina les visages en quelques coups de crayon : le vieux