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— Regarde donc, fillette ! Tu en sais assez long, tu as recopié assez de mes manuscrits, pour comprendre… N’est-ce pas beau, un pareil ensemble, un document si définitif et si total, où il n’y a pas un trou ? On dirait une expérience de cabinet, un problème posé et résolu au tableau noir… Tu vois, en bas, voici le tronc, la souche commune, Tante Dide. Puis, les trois branches en sortent, la légitime, Pierre Rougon, et les deux bâtardes, Ursule Macquart et Antoine Macquart. Puis, de nouvelles branches montent, se ramifient : d’un côté, Maxime, Clotilde et Victor, les trois enfants de Saccard, et Angélique, la fille de Sidonie Rougon ; de l’autre, Pauline, la fille de Lisa Macquart, et Claude, Jacques, Étienne, Anna, les quatre enfants de Gervaise, sa sœur. Là, Jean, leur frère, est au bout. Et tu remarques, ici, au milieu, ce que j’appelle le nœud, la poussée légitime et la poussée bâtarde s’unissant dans Marthe Rougon et son cousin François Mouret, pour donner naissance à trois nouveaux rameaux, Octave, Serge et Désirée Mouret ; tandis qu’il y a encore, issus d’Ursule et du chapelier Mouret, Silvère dont tu connais la mort tragique, Hélène et sa fille Jeanne. Enfin, tout là-haut, ce sont les brindilles dernières, le fils de ton frère Maxime, notre pauvre Charles, et deux autres petits morts, Jacques-Louis, le fils de Claude Lantier, et Louiset, le fils d’Anna Coupeau… En tout cinq générations, un arbre humain qui, à cinq printemps déjà, à cinq renouveaux de l’humanité, a poussé des tiges, sous le flot de sève de l’éternelle vie !

Il s’animait, son doigt se mit à indiquer les cas, sur la vieille feuille de papier jaunie, comme sur une planche anatomique.

— Et je te répète que tout y est… Vois donc, dans l’hérédité directe, les élections : celle de la mère, Silvère, Lisa, Désirée, Jacques, Louiset, toi-même ; celle du père,