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V


Le lendemain, dans la matinée, on achevait de mettre en bière le corps de Françoise, et le cercueil restait au milieu de la chambre, sur deux chaises, lorsque Jean eut un sursaut de surprise indignée, en voyant entrer Lise et Buteau, l’un derrière l’autre. Son premier geste fut pour les chasser, ces parents sans cœur qui n’étaient pas venus embrasser la mourante, et qui arrivaient enfin dès qu’on avait cloué le couvercle sur elle, comme délivrés de la crainte de se retrouver en sa présence. Mais les membres présents de la famille, Fanny, la Grande, l’arrêtèrent : ça ne portait pas chance, de se disputer autour d’un mort ; puis, quoi ? On ne pouvait empêcher Lise de racheter sa rancune, en se décidant à veiller les restes de sa sœur.

Et les Buteau, qui avaient compté sur le respect dû à ce cercueil, s’installèrent. Ils ne dirent pas qu’ils reprenaient possession de la maison ; seulement, ils le faisaient, d’une façon naturelle, comme si la chose allait de soi, à présent que Françoise n’était plus là. Elle y était bien encore, mais emballée pour le grand départ, pas plus gênante qu’un meuble. Lise, après s’être assise un instant, s’oublia jusqu’à ouvrir les armoires, à s’assurer que les objets n’avaient pas bougé de place, pendant son absence. Buteau rôdait déjà dans l’écurie et dans l’étable, en homme entendu qui donne le coup d’œil du maître. Le soir, l’un et l’autre semblèrent tout à fait rentrés chez eux, et il n’y avait que le cercueil qui les embarrassât, maintenant, dans la chambre dont il barrait le milieu. Ce n’était, d’ailleurs, qu’une nuit à patienter : le plancher serait enfin libre de bonne heure, le lendemain.

Jean piétinait, au milieu de la famille, l’air perdu, ne