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LA TERRE.

heures de l’après-midi se succédèrent, les deux vieilles femmes causaient tranquillement, tandis que Jean, ne pouvant tenir en place, marchait, sortait, rentrait, dans une attente affreuse. Le médecin avait dit qu’il n’y avait rien à faire, on ne faisait rien.

D’abord, la Frimat regretta qu’on ne fût pas allé chercher maître Sourdeau, un rebouteux de Bazoches, bon également pour les blessures. Il disait des paroles, il les refermait, rien qu’en soufflant dessus.

— Un fier homme ! déclara la Grande devenue respectueuse. C’est lui qui a remis le bréchet aux Lorillon… V’là que le bréchet tombe au père Lorillon. Ça se recourbait, ça lui pesait sur l’estomac, si bien qu’il s’en allait de langueur. Et le pis, c’est que v’là la mère Lorillon prise à son tour de ce fichu mal, qui se communique, comme vous savez. Enfin, les v’là tous pincés, la fille, le gendre, les trois enfants… Ma parole, ils en claquaient, s’ils n’avaient pas fait venir maître Sourdeau, qui leur a remis ça, en leur frottant l’estomac avec un peigne d’écaille.

L’autre vieille appuyait chaque détail d’un branle du menton : c’était connu, ça ne se discutait pas. Elle-même cita un autre fait.

— C’est encore maître Sourdeau qui a guéri la petite aux Budin de la fièvre, en ouvrant en deux un pigeon vivant et en le lui appliquant sur la tête.

Elle se tourna vers Jean, hébété devant le lit.

— À votre place, je le demanderais. Peut-être bien que ce n’est pas trop tard.

Mais il eut un geste de colère. Lui, gâté par l’orgueil des villes, ne croyait point à ces choses. Et les deux femmes continuèrent longtemps, se communiquèrent des remèdes, du persil sous la paillasse contre les maux de reins, trois glands de chêne dans la poche pour guérir l’enflure, un verre d’eau blanchie par la lune et bue à jeun pour chasser les vents.

— Dites donc, reprit brusquement la Frimat, si l’on ne va pas chercher maître Sourdeau, on pourrait tout de même faire venir monsieur le curé.