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LA TERRE.

les restes de pommade, buvant l’eau des verres de toilette, assistant aux choses en muet rêveur, voyant tout de ses prunelles amincies dans leurs cercles d’or !

— Monsieur Patoir, je vous en prie, conclut madame Charles, guérissez-le.

Le vétérinaire écarquillait les yeux, avec un froncement du nez et de la bouche, tout un remuement de son museau de dogue bonhomme et brutal. Et il cria :

— Comment ! c’est pour ça que vous m’avez dérangé ?… Bien sûr que je vas vous le guérir ! Attachez-lui une pierre au cou et foutez-le à l’eau !

Élodie éclata en larmes, madame Charles suffoquait d’indignation.

— Mais il pue, votre minet ! Est-ce qu’on garde une pareille horreur pour donner le choléra à une maison ?… Foutez-le à l’eau !

Pourtant, devant la colère de la vieille dame, il finit par s’asseoir à la table, où il rédigea une ordonnance, en grognant.

— Ça, c’est vrai, si ça vous amuse, d’être empestée… Moi, pourvu qu’on me paye, qu’est-ce que ça me fiche ?… Tenez ! vous lui introduirez ça dans la gueule par cuillerées, d’heure en heure, et voilà une drogue pour deux lavements, l’un ce soir, l’autre demain.

Depuis un instant, M. Charles s’impatientait, désolé de voir les alouettes noircir, tandis que la bonne, lasse de battre l’omelette, attendait, les bras ballants. Aussi donna-t-il vivement à Patoir les six francs de la consultation, en poussant les autres à vider leurs verres.

— Il faut déjeuner… Hein ? au plaisir de vous revoir ! La pluie ne tombe plus.

Ils sortirent d’un air de regret, et le vétérinaire, qui montait dans sa vieille guimbarde disloquée, répéta :

— Un chat qui ne vaut pas la corde pour le foutre à l’eau !… Enfin, quand on est riche !

— De l’argent à putains, ça se dépense comme ça se gagne, ricana Jésus-Christ.

Mais tous, même Buteau qu’une envie sourde avait