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LA TERRE.

çait sur les titres, l’un répétant son éternel : Rends-les-moi ! avec l’obstination de l’idée fixe, l’autre refusant d’un : Foutez-moi la paix ! toujours le même. Mais peu à peu les choses se gâtaient, depuis surtout que le vieux cherchait où son fils avait bien pu cacher le magot. C’était son tour de visiter la maison entière, de sonder les boiseries des armoires, de taper contre les murs, pour entendre s’ils sonnaient le creux. Continuellement, ses regards erraient d’un coin à un autre, dans sa préoccupation unique ; et, dès qu’il se trouvait seul, il écartait les enfants, il se remettait à ses fouilles, avec le coup de passion d’un galopin qui saute sur la servante, aussitôt que les parents n’y sont plus. Or, ce jour-là, comme Buteau rentrait à l’improviste, il aperçut Fouan par terre, étendu tout de son long sur le ventre, et le nez sous la commode, en train d’étudier s’il n’y avait pas là une cachette. Cela le jeta hors de lui, car le père brûlait : ce qu’il cherchait dessous était dessus, caché et comme scellé par le gros poids du marbre.

— Nom de Dieu de vieux toqué ! V’là que vous faites le serpent !… Voulez-vous bien vous relever !

Il le tira par les jambes, le remit debout d’une bourrade.

— Ah çà ! est-ce fini de coller votre œil à tous les trous ? J’en ai assez, de sentir la maison épluchée jusque dans les fentes !

Fouan, vexé d’avoir été surpris, le regarda, répéta en s’enrageant tout d’un coup de colère :

— Rends-les-moi !

— Foutez-moi la paix ! lui gueula Buteau dans le nez.

— Alors, je souffre trop ici, je m’en vais.

— C’est ça, fichez le camp, bon voyage ! et si vous revenez, nom de Dieu ! c’est que vous n’avez pas de cœur !

Il l’avait empoigné par le bras, il le flanqua dehors.