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LES ROUGON-MACQUART.

— Mon argent ! gronda le vieux, terrible, la taille redressée, très haute.

— Votre argent, vous avez donc de l’argent, à cette heure ?… Vous juriez si fort que nous avions trop coûté, qu’il ne vous restait pas un sou… Ah ! sacré malin, vous avez de l’argent !

Il se balançait toujours, il ricanait, très amusé, triomphant de son flair jadis, car il était le premier qui eût senti le magot.

Fouan tremblait de tous ses membres.

— Rends-le-moi.

— Que je vous le rende ? est-ce que je l’ai, est-ce que je sais seulement où il est, votre argent ?

— Tu me l’as volé, rends-le-moi, nom de Dieu ! ou je vas te le faire cracher de force !

Et, malgré son âge, il le prit aux épaules, le secoua. Mais le fils, alors, se leva, l’empoigna à son tour, sans le bousculer, uniquement pour lui gueuler violemment dans la figure :

— Oui, je l’ai et je le garde… Je vous le garde, entendez-vous, vieille bête, dont la boule déménage !… Et, vrai ! il était temps de vous les prendre, ces papiers que vous alliez déchirer… N’est-ce pas, Lise, qu’il les déchirait ?

— Oh ! aussi sûr que j’existe. Quand on ne sait pas ce qu’on fait !

Saisi, Fouan s’effrayait de cette histoire. Est-ce qu’il était fou, pour ne se souvenir de rien ? S’il avait voulu détruire les papiers, comme un gamin qui joue avec des images, c’était donc qu’il faisait sous lui et qu’il devenait bon à tuer ? La poitrine cassée, il n’avait plus ni courage ni force. Il bégaya, en pleurant :

— Rends-les-moi, dis ?

— Non !

— Rends-les-moi, puisque je vas mieux.

— Non ! non ! Pour que vous vous torchiez avec ou que vous en allumiez votre pipe, merci !

Et, dès lors, les Buteau refusèrent obstinément de se dessaisir des titres. Ils en parlaient ouvertement d’ail-