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LES ROUGON-MACQUART.

échangé entre les hommes, rapide, luisant et à fond, pareil à un coup de couteau.

— Mes amis, dit M. Baillehache, que ces attitudes dévorantes laissaient calme, nous allons terminer avant tout le partage des terres, sur lequel vous êtes d’accord.

Cette fois, il exigea d’abord les signatures. L’acte se trouvait prêt, la désignation des lots seule demeurait en blanc, à la suite des noms ; et tous durent signer avant le tirage au sort, auquel il fit procéder séance tenante, afin d’éviter tout ennui.

Françoise ayant amené le numéro deux, Lise dut prendre le numéro un, et la face de Buteau devint noire, sous le flot qui en gonfla les veines. Jamais de chance ! sa parcelle tranchée en deux ! cette garce de cadette et son mâle plantés là, avec leur part, entre son morceau de gauche et son morceau de droite !

— Nom de Dieu de nom de Dieu ! jura-t-il entre ses dents. Sacré cochon de bon Dieu !

Le notaire le pria d’attendre d’être dans la rue.

— Il y a que ça nous coupe là-haut, en plaine, fit remarquer Lise, sans se tourner vers sa sœur. Peut-être qu’on consentira à faire un échange. Ça nous arrangerait, et ça ne ferait du tort à personne.

— Non ! dit Françoise sèchement.

La Grande approuva d’un signe de tête : ça portait malheur, de défaire ce que le sort avait fait. Et ce coup malicieux du destin l’égayait, tandis que Jean n’avait pas bougé, derrière sa femme, si résolu à se tenir à l’écart, que son visage n’exprimait rien.

— Voyons, reprit le notaire, tâchons d’en finir, ne nous amusons pas.

Les deux sœurs, d’une commune entente, l’avaient choisi pour procéder à la licitation de la maison, des meubles et des bêtes. La vente par voie d’affiches fut fixée au deuxième dimanche du mois : elle se ferait dans son étude, et le cahier des charges portait que l’adjudicataire aurait le droit d’entrer en jouissance le jour même de l’adjudication. Enfin, après la vente, le notaire procéderait aux divers