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LES ROUGON-MACQUART.

La question était de savoir s’il fallait d’abord entamer l’affaire du partage des biens ou procéder tout de suite au mariage. La Grande y songea deux nuits, puis se prononça pour le mariage immédiat : Françoise mariée à Jean, réclamant sa part, assistée de son mari, ça augmenterait l’embêtement des Buteau. Alors, elle bouscula les choses, retrouva des jambes de jeune garce, s’occupa des papiers de sa nièce, se fit remettre ceux de Jean, régla tout à la mairie et à l’église, poussa la passion jusqu’à prêter l’argent nécessaire, contre un papier signé des deux, et où la somme fut doublée, pour les intérêts. Ce qui lui arrachait le cœur, c’étaient les verres de vin forcément offerts, au milieu des apprêts ; mais elle avait son vinaigre tourné, son chasse-cousin, si imbuvable, qu’on se montrait d’une grande discrétion. Elle décida qu’il n’y aurait point de repas, à cause des ennuis de famille : la messe et un coup de chasse-cousin, simplement, pour trinquer au bonheur du ménage. Les Charles, invités, s’excusèrent, prétextant les soucis que leur causait leur gendre Vaucogne. Fouan, inquiet, se coucha, fit dire qu’il était malade. Et, des parents, il ne vint que Delhomme, qui voulut bien être l’un des témoins de Françoise, afin de marquer l’estime où il tenait Jean, un bon sujet. De son côté, celui-ci n’amena que ses témoins, son maître Hourdequin et un des serviteurs de la ferme. Rognes était en l’air, ce mariage si rondement mené, gros de tant de batailles, fut guetté de chaque porte. À la mairie, Macqueron, devant l’ancien maire, exagéra les formalités, tout gonflé de son importance. À l’église, il y eut un incident pénible, l’abbé Madeline s’évanouit, en disant sa messe. Il n’allait pas bien, il regrettait ses montagnes, depuis qu’il vivait dans la plate Beauce, navré de l’indifférence religieuse de ses nouveaux paroissiens, si bouleversé des commérages et des disputes continuelles des femmes, qu’il n’osait même plus les menacer de l’enfer. Elles l’avaient senti faible, elles en abusaient jusqu’à le tyranniser dans les choses du culte. Pourtant, Cœlina, Flore, toutes, montrèrent un grand apitoiement de ce qu’il était tombé le nez sur l’au-