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LES ROUGON-MACQUART.

ne bougeaient plus, ne soufflaient plus, soumis, domptés.

— Vous entendez ça, je veux que la rente soit de six cents francs… Autrement, je vends ma terre, je la mets en viager. Oui, pour manger tout, pour que vous n’ayez pas un radis après moi… Les donnez-vous, les six cents francs ?

— Mais, papa, murmura Fanny, nous donnerons ce que vous demanderez.

— Six cents francs, c’est bien, dit Delhomme.

— Moi, déclara Jésus-Christ, je veux ce qu’on veut.

Buteau, les dents serrées de rancune, parut consentir par son silence. Et Fouan les dominait toujours, promenant ses durs regards de maître obéi. Il finit par se rasseoir, en disant :

— Alors, ça va, nous sommes d’accord.

M. Baillehache, sans s’émouvoir, repris de sommeil, avait attendu la fin de la querelle. Il rouvrit les yeux, il conclut paisiblement.

— Puisque vous êtes d’accord, en voilà assez… Maintenant que je connais les conditions, je vais dresser l’acte… De votre côté, faites arpenter, divisez, et dites à l’arpenteur de m’envoyer une note contenant la désignation des lots. Lorsque vous les aurez tirés au sort, nous n’aurons plus qu’à inscrire après chaque nom le numéro tiré, et nous signerons.

Il avait quitté son fauteuil, pour les congédier. Mais ils ne bougèrent pas encore, hésitant, réfléchissant. Est-ce que c’était bien tout ? n’oubliaient-ils rien, n’avaient-ils pas fait une mauvaise affaire, sur laquelle il était peut-être temps de revenir ?

Trois heures sonnèrent, il y avait près de deux heures qu’ils étaient là.

— Allez-vous-en, leur dit enfin le notaire. D’autres attendent.

Ils durent se décider, il les poussa dans l’étude, où, en effet, des paysans, immobiles, raidis sur les chaises, patientaient ; tandis que le petit clerc suivait par la fenêtre une bataille de chiens, et que les deux autres, maus-