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LA TERRE.

— Non, non, fit Lise, je n’en veux pas, je veux un garçon.

— Alors, je la renfile, ma belle, et tu feras un garçon demain.

Les rires redoublèrent, on en fut malade. Puis, comme le veau était resté devant elle, l’accouchée, qui finissait par se calmer, eut cette parole de regret :

— L’autre était si beau… Tout de même, ça nous en ferait deux !

Patoir s’en alla, après qu’on eut donné à la Coliche trois litres de vin sucré. Dans la chambre, la Frimat déshabilla et coucha Lise, tandis que la Bécu, aidée de Françoise, enlevait la paille et balayait. En dix minutes, tout fut en ordre, on ne se serait pas douté qu’un accouchement venait d’avoir lieu, sans les miaulements continus de la petite, qu’on lavait à l’eau tiède. Mais, emmaillotée, couchée dans son berceau, elle se tut peu à peu ; et la mère, anéantie maintenant, s’endormit d’un sommeil de plomb, la face congestionnée, presque noire, au milieu des gros draps de toile bise.

Vers onze heures, lorsque les deux voisines furent parties, Françoise dit à Buteau qu’il ferait mieux de monter se reposer au fenil. Elle, pour la nuit, avait jeté par terre un matelas, où elle comptait s’étendre, de façon à ne pas quitter sa sœur. Il ne répondit point, il acheva silencieusement sa pipe. Un grand calme s’était fait, on n’entendait que la respiration forte de Lise endormie. Puis, comme Françoise s’agenouillait sur son matelas, au pied même du lit, dans un coin d’ombre, Buteau, toujours muet, vint brusquement la culbuter par derrière. Elle se retourna, comprit aussitôt à son visage contracté et rouge. Ça le reprenait, il n’avait pas lâché son idée de l’avoir ; et fallait croire que ça le travaillait rudement fort, tout d’un coup, pour qu’il voulût d’elle ainsi, à côté de sa femme, après des choses qui n’étaient guère engageantes. Elle le repoussa, le renversa. Il y eut une lutte sourde, haletante.

Lui ricanait, la voix étranglée.