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LES ROUGON-MACQUART.

ramassa des cailloux, les lança en l’air pour crever le ciel, qu’on ne distinguait pas. Et elle gueulait :

— Sacré cochon, là-haut ! Tu ne peux donc pas nous foutre la paix ?

Sur le matelas, dans la cuisine, Mouche, abandonné, regardait le plafond de son œil fixe, lorsque deux voitures s’arrêtèrent devant la porte. Jean ramenait enfin M. Finet, après l’avoir attendu près de trois heures, chez lui ; et il revenait dans la carriole, tandis que le docteur avait pris son cabriolet.

Ce dernier, grand et maigre, la face jaunie par des ambitions mortes, entra rudement. Au fond, il exécrait cette clientèle paysanne, qu’il accusait de sa médiocrité.

— Quoi, personne ?… Ça va donc mieux ?

Puis, apercevant le corps :

— Non, trop tard !… Je vous le disais bien, je ne voulais pas venir. C’est toujours la même histoire, ils m’appellent quand ils sont morts.

Ce dérangement inutile, au milieu de la nuit, l’irritait ; et, comme Lise et Françoise rentraient justement, il acheva de s’exaspérer, lorsqu’il apprit qu’elles avaient attendu deux heures, avant de l’envoyer chercher.

— C’est vous qui l’avez tué, parbleu !… Est-ce idiot ? de l’eau de Cologne et du tilleul pour une apoplexie !… Avec ça, personne près de lui. Bien sûr qu’il n’est pas en train de se sauver…

— Mais, monsieur, balbutia Lise, en larmes, c’est à cause de la grêle.

M. Finet, intéressé, se calma. Tiens ! il était donc tombé de la grêle ? À force de vivre avec les paysans, il avait fini par avoir leurs passions. Jean s’était approché, lui aussi ; et tous deux s’étonnaient, se récriaient, car ils n’avaient pas reçu un grêlon, en venant de Cloyes. Ceux-ci épargnés, ceux-là saccagés, et à quelques kilomètres de distance : vrai ! quelle déveine de se trouver du mauvais côté ! Puis, comme Fanny rapportait la lanterne, et que la Bécu et la Frimat la suivaient, toutes les trois éplorées, ne tarissant