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riant à Lazare. Que lui resterait-il donc à faire, si la maison était trop heureuse ? elle s’ennuierait, il fallait lui laisser quelques bobos à guérir.

— Où sont passés l’abbé et le docteur ? demanda-t-elle, surprise de ne plus les voir.

— Ils doivent être dans le potager, répondit Chanteau. L’abbé a voulu montrer nos poires au docteur.

Pauline allait jeter un regard, du coin de la terrasse, lorsqu’elle s’arrêta net devant le petit Paul.

— Eh ! le voilà réveillé ! cria-t-elle. Vois-tu comme ça court déjà la pretentaine !

Au milieu de la couverture rouge, Paul en effet venait de se dresser sur ses petits genoux ; et il s’était traîné, il se sauvait à quatre pattes, furtivement. Mais, avant d’arriver au sable, il dut buter contre un pli de la couverture, car il chancela et s’étala sur le dos, la robe retroussée, les bras et les jambes en l’air. Il gigotait, il remuait sa nudité rose, dans ce rouge de pivoine épanouie.

— Bon ! il nous montre tout ce qu’il possède, reprit-elle joyeusement. Attendez, vous allez voir comme il marche depuis hier.

Elle s’était agenouillée près de lui, elle tâchait de le mettre debout. Il avait poussé si à regret, qu’il était très en retard pour son âge ; même, un instant, on avait craint qu’il ne restât faible des jambes. Aussi était-ce un ravissement pour la famille, de lui voir faire ses premiers pas, les mains tâtonnantes dans le vide, retombant sur son derrière, au moindre gravier rencontré.

— Veux-tu bien ne pas jouer ! répétait Pauline. Non, c’est sérieux, montre que tu es un homme… Là, tiens-toi ferme, va embrasser papa, puis tu iras embrasser grand-père.