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gne de servante l’amusait, elle avait passé un grand tablier blanc, elle était enchantée de les servir tous, de descendre ainsi aux soins les plus humbles, pour se dire qu’ils lui devraient, ce jour-là, leur gaieté et leur santé. Maintenant qu’ils riaient grâce à elle, son rêve était de leur servir un repas de fête, des choses très bonnes, dont ils mangeraient beaucoup, en s’épanouissant autour de la table.

L’idée de son oncle et du petit lui revint, elle se hâta de courir sur la terrasse, et elle fut très étonnée de voir son cousin assis près de l’enfant.

— Comment ! cria-t-elle, tu es déjà descendu ?

Il répondit d’un simple signe de tête, repris par son indifférence lasse, les épaules courbées, les mains oisives. Aussi demanda-t-elle, inquiète :

— J’espère que vous n’avez pas recommencé derrière moi ?

— Non, non, se décida-t-il enfin à dire. Elle va descendre, quand elle aura mis sa robe… Nous nous sommes pardonnés. Mais pour ce que ça durera ! demain, ce sera une autre histoire, et tous les jours, et toutes les heures ! Est-ce qu’on change, est-ce qu’on peut empêcher quelque chose !

Pauline était devenue grave, ses yeux attristés se baissèrent. Il avait raison, elle voyait nettement se dérouler des jours semblables, sans cesse la même querelle entre eux, qu’elle devrait calmer. Et elle-même n’était plus certaine d’être guérie, de ne pas céder encore à des violences jalouses. Ah ! quel éternel recommencement, dans ces misères quotidiennes ! Mais ses yeux se relevaient déjà : elle s’était vaincue si souvent ! et puis, on verrait bien s’ils ne se lasseraient pas plus tôt de se disputer, qu’elle de les réconcilier. Cette idée l’égaya, elle la dit en