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— Qu’ils crèvent ! je danserai à mon tour !

— Ne te fais donc pas si mauvais, dit Pauline de son air tranquille. Il n’y a que les pauvres qui aient le droit d’être méchants… Tu les reconstruirais tout de même, ces épis.

Déjà il s’était calmé, comme épuisé par ce dernier éclat de passion.

— Oh ! non, murmura-t-il, ça m’ennuierait trop… Mais tu as raison, rien ne vaut la peine de se mettre en colère. Qu’ils soient noyés, qu’ils ne le soient pas, est-ce que ça me regarde ?

Un silence régna de nouveau. Chanteau était retombé dans son immobilité douloureuse, après avoir levé la tête pour recevoir le baiser de son fils. Le curé tournait ses pouces, le docteur marchait, les mains derrière le dos. Tous, à présent, regardaient le petit Paul endormi, que Pauline défendait même contre les caresses de son père, ne voulant pas qu’on le réveillât. Depuis leur arrivée, elle les priait de baisser la voix, de ne pas piétiner si fort autour de la couverture ; et elle finissait par menacer de la cravache Loulou, qui grognait encore d’avoir entendu mener le cheval à l’écurie.

— Si tu crois qu’il se taira ! reprit Lazare. Il en a pour une heure à nous casser les oreilles… Jamais je n’ai vu un chien si désagréable. On le dérange dès qu’on bouge, on ne sait pas même si l’on a une bête à soi, tant il vit pour lui. Ce sale personnage n’est bon qu’à nous faire regretter notre pauvre Mathieu.

— Quel âge a donc la Minouche ? demanda Cazenove. Je l’ai toujours vue ici.

— Mais elle a seize ans passés, répondit Pauline, et elle ne s’en porte pas plus mal.

La Minouche, qui continuait sa toilette sur la fe-