Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/419

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cienne chambre de madame Chanteau, occupée maintenant par le ménage. À moitié peignée, vêtue d’une camisole, elle continua d’une voix aigre :

— Si c’est Lazare qui est là, dis-lui de monter.

— Non, il n’est pas de retour.

Alors, elle s’emporta tout à fait.

— Je savais bien qu’on le verrait seulement ce soir, encore s’il daigne revenir ! Il a déjà découché cette nuit, malgré sa promesse formelle… Ah ! il est gentil ! Lorsqu’il va à Caen, on ne peut plus l’en arracher.

— Il a si peu de distractions ! répondit doucement Pauline. Et puis, cette affaire des engrais lui aura pris du temps… Sans doute, il profitera du cabriolet du docteur pour rentrer.

Depuis qu’ils habitaient Bonneville, Lazare et Louise vivaient dans de continuelles tracasseries. Ce n’étaient point des querelles franches, mais des mauvaises humeurs sans cesse renaissantes, la vie misérablement gâtée de deux êtres qui ne s’entendaient pas. Elle, après des suites de couches longues et pénibles, traînait une existence vide, ayant l’horreur des soins du ménage, tuant les jours à lire, à faire durer sa toilette jusqu’au dîner. Lui, repris d’un ennui immense, n’ouvrait même pas un livre, passait les heures hébété en face de la mer, ne tentait que de loin en loin une fuite à Caen, d’où il revenait plus las encore. Et Pauline, qui avait dû garder la conduite de la maison, leur était devenue indispensable, car elle les réconciliait trois fois par jour.

— Tu devrais finir de t’habiller, reprit-elle. Le curé ne tardera pas sans doute, tu resterais avec lui et mon oncle. Moi, je suis si occupée !

Mais Louise ne lâchait point sa rancune.