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— Était-ce imbécile, ces négations, ces fanfaronnades, tout ce noir que je broyais par crainte et par vanité ! C’est moi qui ai fait notre vie mauvaise, et la tienne, et la mienne, et celle de la famille… Oui, toi seule étais sage. L’existence devient si facile, lorsque la maison est en belle humeur et qu’on y vit les uns pour les autres !… Si le monde crève de misère, qu’il crève au moins gaiement, en se prenant lui-même en pitié !

La violence de ces phrases la fit sourire, elle lui saisit les mains.

— Voyons, calme-toi… Puisque tu reconnais que j’ai raison, te voilà corrigé, tout marchera bien.

— Ah ! oui, corrigé ! Je dis ça en ce moment, parce qu’il y a des heures où la vérité sort quand même. Mais, demain, je retomberai dans mon tourment. Est-ce qu’on change !… Non, ça ne marchera pas mieux, ça marchera de plus en plus mal au contraire. Tu le sais aussi bien que moi… C’est ma bêtise qui m’enrage !

Alors, elle l’attira doucement, elle lui dit de son air grave :

— Tu n’es ni bête ni mauvais, tu es malheureux… Embrasse-moi, Lazare.

Ils échangèrent un baiser, devant le pauvre petit être qui semblait assoupi ; et c’était un baiser de frère et de sœur, où il n’y avait plus rien du coup de désir dont ils brûlaient encore la veille.

L’aube se levait, une aube grise d’une grande douceur. Cazenove vint voir l’enfant, qu’il s’émerveilla de trouver en si bon état. Il fut d’avis de le reporter dans la chambre, car il croyait maintenant pouvoir répondre de Louise. Lorsqu’on présenta le petit à sa mère, elle eut un pâle sourire. Puis, elle ferma les