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LES ROUGON-MACQUART.

— Alors, monsieur, ne m’appelez pas, dit-elle en s’en allant furieuse. Quand on rebute les gens, on se soigne tout seul.

Lentement, Pauline s’était approchée ; et, de ses doigts d’enfant, avec une légèreté adroite, elle souleva la couverture. Il éprouva un court soulagement, il accepta ses services.

— Merci, petite… Tiens ! là, ce pli. Il pèse cinq cents livres… Oh ! pas si vite ! tu m’as fait peur.

Du reste, la douleur recommença plus intense. Comme sa femme tâchait de s’occuper dans la chambre, allait tirer les rideaux de la fenêtre, revenait poser une tasse sur la table de nuit, il s’irrita encore.

— Je t’en prie, ne marche plus, tu fais tout trembler… À chacun de tes pas, il me semble qu’on me donne un coup de marteau.

Elle n’essaya même point de s’excuser et de le satisfaire. Cela finissait toujours ainsi. On le laissait souffrir seul.

— Viens, Pauline, dit-elle simplement. Tu vois que ton oncle ne peut nous tolérer autour de lui.

Mais Pauline demeura. Elle marchait d’un mouvement si doux, que ses petits pieds effleuraient à peine le parquet. Et, dès ce moment, elle s’installa près du malade, il ne supporta personne autre dans la chambre. Comme il le disait, il aurait voulu être soigné par un souffle. Elle avait l’intelligence du mal deviné et soulagé, devançait ses désirs, ménageait le jour ou lui donnait des tasses d’eau de gruau, que Véronique apportait jusqu’à la porte. Ce qui apaisait surtout le pauvre homme, c’était de la voir sans cesse devant lui, sage et immobile au bord d’une chaise, avec de grands yeux compatissants qui