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bre de madame Chanteau : on pourrait en avoir besoin, après la délivrance. Véronique, qui avait gardé Louise pendant l’absence de la sage-femme, alla aussitôt l’allumer. Puis toutes les dispositions furent prises, on remit des linges fins devant la cheminée, on apporta une seconde cuvette, on monta une bouilloire d’eau chaude, un litre d’eau-de-vie, du saindoux sur une assiette. Le docteur crut avoir le devoir de prévenir l’accouchée.

— Ma chère enfant, dit-il, ne vous inquiétez pas, mais il faut absolument que j’intervienne… Votre vie nous est chère à tous, et si le pauvre petit est menacé, nous ne pouvons vous laisser ainsi davantage… Vous me permettez d’agir, n’est-ce pas ?

Louise ne semblait plus entendre. Raidie par les efforts qui continuaient malgré elle, la tête roulée à gauche sur l’oreiller, la bouche ouverte, elle avait une plainte basse, continue, qui ressemblait à un râle. Lorsque ses paupières se soulevaient, elle regardait le plafond avec égarement, comme si elle se fût éveillée dans un lieu inconnu.

— Vous permettez ? répétait le docteur.

Alors, elle balbutia :

— Tuez-moi, tuez-moi tout de suite.

— Faites vite, je vous en supplie, murmura Pauline au médecin. Nous sommes là pour prendre la responsabilité de tout.

Pourtant, il insistait, en disant à Lazare :

— Je réponds d’elle, si une hémorragie ne survient pas. Mais l’enfant me semble condamné. On en tue neuf sur dix, dans ces conditions, car il y a toujours des lésions, des fractures, parfois un écrasement complet.

— Allez, allez, docteur, répondit le père, avec un geste éperdu.