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ment secoué lui-même, qu’il craignait de la décourager. Du reste, elle n’avait plus conscience du temps : les heures passaient, et les minutes lui semblaient éternelles. Le seul sentiment qui persistait dans son agitation, était que ça ne finirait jamais, que tout le monde, autour d’elle, y mettait de la mauvaise volonté. C’étaient les autres qui ne voulaient pas la débarrasser, elle s’emportait contre la sage-femme, contre Pauline, contre Véronique, en les accusant de ne rien savoir de ce qu’il aurait fallu faire.

Madame Bouland se taisait. Elle jetait sur la pendule des regards furtifs, bien qu’elle n’attendît pas le médecin avant une heure encore, car elle connaissait la lenteur fourbue du cheval. La dilatation allait être complète, la rupture des eaux devenait imminente ; et elle décida la jeune femme à se coucher. Puis, elle la prévint.

— Ne vous effrayez pas, si vous vous sentiez mouillée… Et ne bougez plus, de grâce ! J’aimerais mieux ne rien hâter maintenant.

Louise resta immobile pendant quelques secondes. Il lui fallait un effort de volonté excessif, pour résister aux soulèvements désordonnés de la souffrance ; son mal s’en irritait, bientôt elle ne put lutter davantage, elle sauta du lit de sangle, dans un élan exaspéré de tous ses membres. À l’instant même, comme ses pieds touchaient le tapis, il y eut un bruit sourd d’outre qui se crève et ses jambes furent trempées, deux larges taches parurent sur son peignoir.

— Ça y est ! dit la sage-femme, qui jura entre ses dents.

Bien que prévenue, Louise était demeurée à la