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lit de sangle, elle l’envoya chercher par Véronique, l’installa devant la cheminée, en plaçant au fond une planche et en le garnissant d’un simple matelas. Puis, il lui fallut une quantité de linge, un drap qu’elle plia en quatre pour garantir le matelas, d’autres draps, et des serviettes, et des torchons, qu’elle mit chauffer sur des chaises, devant le feu. Bientôt, la chambre, encombrée de ces linges, barrée par le lit, prit l’air d’une ambulance, installée à la hâte, dans l’attente d’une bataille.

Du reste, elle ne cessait de causer maintenant, elle exhortait Louise d’une voix militaire, comme si elle eût commandé à la douleur. Pauline l’avait priée à voix basse de ne pas parler du médecin.

— Ce ne sera rien, ma petite dame. Je préférerais vous voir couchée ; mais, puisque ça vous agace, marchez sans crainte, appuyez-vous sur moi… J’en ai accouché à huit mois, dont les enfants étaient plus gros que les autres… Non, non, ça ne vous fait pas tant de mal que vous croyez. Nous allons vous débarrasser tout à l’heure, en deux temps et trois mouvements.

Louise ne se calmait pas. Ses cris prenaient un caractère de détresse affreuse. Elle se cramponnait aux meubles ; par moments, des paroles incohérentes annonçaient même un peu de délire. La sage-femme, afin de rassurer Pauline, lui expliquait à demi-voix que les douleurs de la dilatation du col étaient parfois plus intolérables que les grandes douleurs de l’expulsion. Elle avait vu ce travail préparatoire durer deux jours, au premier enfant. Ce qu’elle redoutait, c’était la rupture des eaux, avant l’arrivée du médecin ; car la manœuvre qu’il allait être obligé de faire, serait alors dangereuse.