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revint, lorsque la bonne demanda si Monsieur coucherait dans la chambre de Madame.

— Oh ! non, Louise se reposera mieux, murmura Lazare qui avait rencontré instinctivement un regard de Pauline.

— C’est cela, couche là-haut, dit la jeune femme. Je suis horriblement lasse, j’aurai tout le lit pour moi.

Trois jours se passèrent. Pauline prit enfin une résolution. Elle quitterait la maison le lundi. Déjà, le ménage parlait de rester jusqu’au moment des couches, que l’on n’attendait pas avant un grand mois ; mais elle devinait bien que son cousin avait assez de Paris et qu’il finirait par manger ses rentes à Bonneville, en homme aigri de ses avortements perpétuels. Le mieux était de leur céder tout de suite la place, car elle n’arrivait pas à se vaincre, elle trouvait moins encore qu’autrefois le courage de vivre avec eux, dans leur intimité de mari et de femme. N’était-ce point aussi le moyen d’échapper aux périls de la passion renaissante dont Lazare et elle venaient de tant souffrir ? Louise seule s’étonna, lorsqu’elle connut la décision de sa cousine. On mettait en avant des raisons sans réplique, le docteur Cazenove racontait que la dame de Saint-Lô faisait à Pauline des offres exceptionnelles ; et celle-ci ne pouvait refuser davantage, ses parents devaient la forcer à accepter une position qui allait assurer son avenir. Chanteau, les larmes aux yeux, consentait lui-même.

Il y eut, le samedi, un dernier dîner avec le curé et le docteur. Louise, très souffrante, put à peine se traîner à la table. Cela acheva d’assombrir le repas, malgré les efforts de Pauline, qui souriait à chacun, avec le remords de laisser triste cette