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même plus aux lettres pressantes que sa femme lui écrivait. Depuis six semaines, il était à Bonneville, et il leur semblait que cette existence de secousses cruelles et délicieuses devait maintenant durer toujours.

Un dimanche, au dîner, Chanteau s’égaya, après s’être permis un verre de bourgogne, débauche qu’il payait durement chaque fois. Ce jour-là, Pauline et Lazare avaient passé des heures charmantes, le long de la mer, par un grand ciel bleu ; et ils échangeaient des regards attendris, où vacillait le trouble de cette peur d’eux-mêmes, qui rendait à présent leur camaraderie si passionnée.

Tous les trois riaient, lorsque Véronique, au moment d’apporter le dessert, parut à la porte de la cuisine, en criant :

— Voici madame !

— Quelle madame ? demanda Pauline stupéfaite.

— Madame Louise donc !

Il y eut des exclamations étouffées. Chanteau, effaré, regardait Pauline et Lazare qui pâlissaient. Mais ce dernier se leva violemment, la voix bégayante de colère.

— Comment ! Louise ? mais elle ne m’a pas écrit ! Je lui aurais défendu de venir… Est-ce qu’elle est folle ?

Le crépuscule tombait, très clair et très doux. Après avoir jeté sa serviette, Lazare était sorti, et Pauline le suivait, s’efforçant de retrouver sa sérénité souriante. C’était Louise, en effet, qui descendait péniblement de la berline du père Malivoire.

— Es-tu folle ? cria son mari du milieu de la cour. On ne fait pas de ces folies-là sans écrire !

Alors, elle éclata en larmes. Là-bas, elle était très