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dut, pour faire glisser le pêne et tourner la clef, appuyer sur le bois de toute la pesanteur de son corps ; et, en lui disputant cet entrebâillement étroit, elle se sentait perdue, s’il introduisait seulement le bout de sa pantoufle. La clef grinça très haut, un grand silence tomba, dans lequel on entendit de nouveau la mer ébranler le mur de la terrasse.

Cependant, Pauline, sans bougie, les yeux ouverts dans les ténèbres, était restée adossée contre la porte. De l’autre côté du bois, elle comprenait bien que Lazare non plus n’avait pas bougé. Elle entendait son souffle, elle croyait toujours en recevoir la flamme sur la nuque. Si elle s’écartait, peut-être allait-il briser un panneau d’un coup d’épaule. Cela la rassurait, d’être là ; et, machinalement, elle continuait à peser de toute sa force, comme s’il avait poussé encore. Deux minutes s’écoulèrent, interminables, dans cette sensation mutuelle qu’ils s’entêtaient l’un et l’autre, à peine séparés par le bois mince, ardents, secoués de cet ébranlement du désir qu’ils ne pouvaient apaiser. Puis, la voix de Lazare souffla très bas, étouffée d’émotion :

— Pauline, ouvre-moi… Tu es là, je le sais.

Un frisson courut sur sa chair, cette voix l’avait chauffée du crâne aux talons. Mais elle ne répondit point. La tête penchée, elle retenait d’une main ses jupes tombantes, tandis que l’autre main, crispée sur le corsage défait, étreignait sa gorge, pour en cacher la nudité.

— Tu souffres autant que moi, Pauline… Ouvre, je t’en supplie. Pourquoi nous refuser ce bonheur ?

Il avait peur maintenant de réveiller Véronique, dont la chambre était voisine. Ses supplications se faisaient douces, pareilles à une plainte de malade.