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baiser, qu’elle lui rendit furieusement, en le serrant au cou de toute la force de ses deux bras. Mais, dans cette secousse de son corps vierge, elle avait ouvert les yeux, elle se vit roulant sur le carreau, elle reconnut la lampe, l’armoire, le plafond, dont les moindres taches lui étaient familières ; et elle sembla s’éveiller, avec la surprise d’une personne qui se retrouve chez elle, au sortir d’un rêve terrible. Violemment, elle se débattit, se mit debout. Ses jupons glissaient, son corsage ouvert avait laissé jaillir sa gorge nue. Un cri lui échappa, dans le silence haletant de la pièce.

— Lâche-moi, c’est abominable !

Il n’entendait plus, fou de désir. Il la reprit, acheva d’arracher ses vêtements. Au hasard des lèvres, il cherchait le nu de sa peau, la brûlait de baisers, dont, chaque fois, elle frissonnait tout entière. À deux reprises, elle faillit tomber encore, cédant au besoin invincible de se donner, souffrant affreusement de cette lutte contre elle-même. Ils avaient fait le tour de la table, le souffle court, les membres mêlés, quand il réussit à la pousser sur un vieux divan, dont les ressorts crièrent. De ses bras raidis, elle le tenait à distance, en répétant d’une voix qui s’enrouait :

— Oh ! je t’en prie, oh ! laisse-moi… C’est abominable, ce que tu veux !

Lui, les dents serrées, n’avait pas prononcé un mot. Il croyait la posséder enfin, lorsqu’elle se dégagea une dernière fois, d’un effort si rude, qu’il chancela jusqu’à la table. Alors, libre une seconde, elle put sortir, traverser d’un bond le corridor, se jeter chez elle. Déjà il l’avait rejointe, elle n’eut pas le temps de rabattre sa porte. Comme il poussait, elle