Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/361

Cette page a été validée par deux contributeurs.

brasier intérieur, avec de grands vols crépitants d’étincelles, qu’on ne voyait point.

— Allons, du courage, ma pauvre femme, répétait Pauline. Venez causer demain avec moi.

Des voisins, attirés par la fumée, accouraient. Elle put emmener Lazare. Le retour fut très doux. Il souffrait peu, mais elle voulait quand même lui donner le bras, pour le soutenir. Les paroles leur manquaient encore, dans l’ébranlement de leur émotion, et ils se regardaient en souriant. Elle, surtout, éprouvait une sorte de fierté heureuse. Il était donc brave, lui qui blêmissait devant la peur de la mort ? Le sentier se déroulait sous leurs pas, elle s’absorbait dans l’étonnement de ces contradictions du seul homme qu’elle connût bien ; car elle l’avait vu passer des nuits au travail, puis rester oisif durant des mois, être d’une franchise déconcertante après avoir menti impudemment, lui baiser le front en camarade, tandis qu’elle sentait ses mains d’homme, fiévreuses de désir, la brûler aux poignets ; et voilà qu’aujourd’hui il devenait un héros ! Elle avait raison de ne pas désespérer de la vie, en jugeant le monde tout bon ou tout mauvais. Quand ils arrivèrent à Bonneville, leur silence ému creva en un flot de paroles bruyantes. Les plus petits détails renaissaient, ils racontaient vingt fois l’aventure, en évoquant toujours des faits oubliés, dont ils se souvenaient l’un et l’autre, comme à la lueur vive d’un éclair. On en parla longtemps, des secours furent remis aux paysans incendiés.

Depuis bientôt un mois, Lazare était à Bonneville. Une lettre de Louise arriva, désespérée d’ennui. Il répondit qu’il irait la reprendre au commencement de la semaine suivante. Des averses terribles