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les mains légèrement brûlées ; et quand il eut mis entre les bras de la femme le petit qui se débattait en pleurant, il se fâcha presque contre sa cousine.

— Quoi ? qu’as-tu à te faire ainsi du mal ?

Elle se pendit à son cou, elle sanglotait, dans une telle détente nerveuse, que, par crainte d’un évanouissement, il dut l’asseoir sur une vieille pierre moussue, adossée au puits de la maison. Lui-même, à présent, défaillait. Il y avait là une auge pleine d’eau, où il trempa ses mains avec délices. Ce froid le faisait revenir à lui, et il éprouvait à son tour une grande surprise de son action. Eh quoi ! il était entré au milieu de ces flammes ? C’était comme un dédoublement de son être, il se revoyait nettement dans la fumée, d’une agilité et d’une présence d’esprit incroyables, assistant à cela ainsi qu’à un prodige accompli par un étranger. Un reste d’exaltation intérieure le soulevait d’une joie subtile qu’il ne connaissait pas.

Pauline s’était un peu remise, et elle lui examinait les mains, en disant :

— Non, ce ne sera rien, les brûlures ne sont pas profondes. Mais il faut rentrer, je te panserai… Mon Dieu ! que tu m’as fait peur !

Elle avait trempé son mouchoir dans l’eau, pour lui en envelopper la main droite, la plus atteinte des deux. Ils se levèrent, tâchèrent de consoler la femme, qui, après avoir baisé furieusement l’enfant, l’avait posé près d’elle, sans le regarder davantage ; et, à cette heure, elle se lamentait sur la maison, hurlant aussi fort, demandant ce qu’allaient dire ses hommes, quand ils trouveraient tout par terre. Les murs tenaient pourtant, une fumée noire sortait du