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frappa de l’article d’un astronome fantaisiste annonçant la venue d’une comète, dont la queue devait balayer la terre comme un grain de sable : ne fallait-il pas y voir la catastrophe cosmique attendue, la cartouche colossale qui allait faire sauter le monde, ainsi qu’un vieux bateau pourri ? Et ce souhait de mort, ces théories caressées de l’anéantissement, n’étaient que le débat désespéré de ses terreurs, le tapage vain de paroles sous lequel il cachait l’attente abominable de sa fin.

La grossesse de sa femme, à ce moment, lui causa une nouvelle secousse. Il éprouva une sensation indéfinissable, à la fois une grande joie et un redoublement de malaise. Contrairement aux idées du « vieux », l’idée d’être père, d’avoir fait de la vie, l’emplissait d’orgueil. Tout en affectant de dire que les imbéciles abusaient du droit d’en faire autant, il en ressentait une surprise vaniteuse, comme si un tel événement était réservé à lui seul. Puis, cette joie fut gâtée, il se tourmenta du pressentiment que les couches tourneraient mal : déjà, pour lui, la mère était perdue, l’enfant ne naîtrait même pas. Justement, dès les premiers mois, la grossesse amena des accidents douloureux, et la maison en l’air, les habitudes dérangées, les querelles fréquentes, achevèrent de le rendre tout à fait misérable. Cet enfant, qui aurait dû rapprocher les époux, augmentait les malentendus entre eux, les froissements de la vie côte à côte. Lui, était surtout exaspéré des souffrances vagues dont elle se plaignait du matin au soir. Aussi, lorsque le médecin parla d’un séjour dans un pays de montagnes, fut-il soulagé de la conduire chez sa belle-sœur et de s’échapper pour quinze jours, sous le prétexte d’al-