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En effet, vers six heures du matin, Véronique monta prévenir mademoiselle qu’elle entendait monsieur gueuler dans sa chambre. Elle était d’une humeur exécrable, elle grondait par toute la maison que, si mademoiselle s’en allait, elle filerait également, parce qu’elle en avait assez de soigner un vieux si peu raisonnable. Pauline, une fois encore, dut s’installer au chevet de son oncle. Quand le docteur se présenta pour l’emmener, elle lui montra le malade, qui triomphait, hurlant plus fort, lui criant de partir, si elle en avait le cœur. Tout fut retardé.

Chaque jour, la jeune fille tremblait de voir revenir Lazare et Louise, que leur nouvelle chambre, l’ancienne chambre d’ami, arrangée à leur intention, attendait depuis le lendemain du mariage. Ils s’oubliaient à Caen, Lazare écrivait qu’il prenait des notes sur le monde de la finance, avant de s’enfermer à Bonneville, pour commencer un grand roman, où il voulait dire la vérité sur les bâcleurs d’affaires. Puis, un matin, il débarqua sans sa femme, il annonça tranquillement qu’il allait s’installer avec elle à Paris : son beau-père l’avait convaincu, il acceptait la place dans la compagnie d’assurances, sous le prétexte qu’il prendrait ainsi ses notes sur le vif ; et plus tard il verrait, il reviendrait à la littérature.

Quand Lazare eut rempli deux caisses des objets qu’il emportait, et que la berline de Malivoire fut venue le chercher avec ses bagages, Pauline rentra étourdie, ne retrouvant plus en elle ses volontés anciennes. Chanteau, encore très souffrant, lui demanda :

— Tu restes, j’espère ? Attends donc de m’avoir enterré !