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— Tu restes avec nous, n’est-ce pas ? demanda-t-il à Pauline.

Elle hésita une seconde ; et, rougissant de son mensonge :

— Mais sans doute.

Il fallut un grand mois, pour les formalités. Thibaudier, le père de Louise, avait agréé tout de suite la demande de Lazare, qui était son filleul. Il n’y eut entre eux une discussion que deux jours avant les noces, lorsque le jeune homme refusa nettement de diriger à Paris une compagnie d’assurances, dont le banquier était le plus fort actionnaire. Lui, entendait passer encore un an ou deux à Bonneville, où il écrirait un roman, un chef-d’œuvre, avant d’aller conquérir Paris. D’ailleurs, Thibaudier se contenta de hausser les épaules, en le traitant amicalement de grande bête.

Le mariage devait avoir lieu à Caen. Pendant les quinze derniers jours, ce furent des allées et venues continuelles, une fièvre extraordinaire de voyages. Pauline s’étourdissait, accompagnait Louise, rentrait brisée. Comme Chanteau ne pouvait quitter Bonneville, elle avait dû promettre d’assister à la cérémonie, où elle serait seule à représenter la famille de son cousin. L’approche de cette journée la terrifiait. La veille, elle s’arrangea pour ne pas coucher à Caen, car il lui semblait qu’elle souffrirait moins, si elle revenait dormir dans sa chambre, au bercement aimé de la grande mer. Elle prétendit que la santé de son oncle lui donnait des craintes, qu’elle ne voulait pas s’éloigner de lui si longtemps. Vainement, lui-même la pressait de passer quelques jours là-bas : est-ce qu’il était malade ? au contraire, très surexcité par l’idée de ces noces, de ce repas