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il est charmant, plein des meilleures intentions ; mais je préfère que l’autre soit malheureuse avec lui. Ces gaillards qui s’ennuient de tout, sont trop lourds à porter, même pour des épaules solides comme les tiennes. Je te souhaiterais plutôt un garçon boucher, oui, un garçon boucher qui rirait nuit et jour à se fendre les mâchoires.

Puis, voyant des larmes lui monter aux yeux :

— Bon ! tu l’aimes, n’en parlons plus. Et embrasse-moi encore, puisque tu es une fille assez brave pour avoir tant de raison… L’imbécile qui ne comprend pas !

Il lui avait pris le bras, il la serrait contre lui. Alors, ils causèrent sagement, en se remettant à marcher. Certes, elle ferait bien de quitter Bonneville ; et il se chargeait de lui trouver une situation. Justement, il avait à Saint-Lô une vieille parente riche, qui cherchait une demoiselle de compagnie. La jeune fille serait parfaitement là, d’autant plus que cette dame, n’ayant pas d’enfant, pourrait s’attacher à elle, peut-être l’adopter plus tard. Tout fut réglé, il lui promit une réponse définitive avant trois jours, et ils convinrent de ne parler à personne de ce projet formel de départ. Elle craignait qu’on n’y vît une menace, elle voulait faire le mariage, puis s’en aller le lendemain sans bruit, en personne désormais inutile.

Le troisième jour, Pauline reçut une lettre du docteur : on l’attendait à Saint-Lô, dès qu’elle serait libre. Et ce fut ce jour même, pendant une absence de Lazare, qu’elle emmena Louise au fond du potager, sur un vieux banc abrité par une touffe de tamaris. En face, au-dessus du petit mur, on ne voyait que la mer et le ciel, une immensité bleue,