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fluencer ; mais, à table, il se montra si galant pour Pauline, qu’elle-même crut dès lors au succès de l’affaire. Aussi, quinze jours plus tard, lorsque Lazare revint d’un voyage à Caen, la maison fut-elle stupéfaite et consternée des nouvelles qu’il rapportait. Il étranglait de colère : est-ce que ce bellâtre d’ingénieur n’avait pas fait un rapport abominable ! Oh ! il était resté poli, mais il avait plaisanté chaque pièce de bois, avec une abondance extraordinaire de mots techniques. Du reste, on aurait dû s’y attendre, ces messieurs n’admettaient pas qu’on pût bâtir une cabane à lapins officielle en dehors d’eux. Et le pis était que, sur la lecture du rapport, le conseil général avait repoussé la demande de subvention.

Ce fut, pour le jeune homme, une nouvelle crise de découragement. Les épis étaient terminés, il jurait bien qu’ils résisteraient aux plus fortes marées, et tous les ponts-et-chaussées réunis en crèveraient de rage jalouse, mais cela ne ferait pas rentrer l’argent entre les mains de sa cousine, il se désolait amèrement de l’avoir entraînée dans ce désastre. Elle, pourtant, victorieuse de ses instincts économes, réclamait la responsabilité entière, rappelait qu’elle l’avait forcé à accepter ses avances ; c’était une charité, elle ne regrettait rien, elle aurait donné encore, pour sauver ce malheureux village. Cependant, quand le charpentier envoya son mémoire, elle ne put réprimer un geste de surprise douloureuse : les quatre mille francs du devis montaient à près de huit mille. En tout, elle avait jeté plus de vingt mille francs dans ces quelques poutres, que la première tempête pouvait emporter.

À cette époque la fortune de Pauline se trouva réduite à une quarantaine de mille francs. C’étaient