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des nouvelles de ses poires, qui, cette année-là, promettaient d’être superbes. Chanteau, malgré les picotements sourds d’une prochaine attaque, finit par chantonner une chanson gaillarde de ses vingt ans. La soirée fut charmante. Lazare lui-même s’égayait.

Tout d’un coup, vers neuf heures, comme on venait de servir le thé, Pauline s’écria :

— Mais le voilà, ce pauvre Mathieu !

En effet, Mathieu, chancelant sur ses pattes, sanglant et amaigri, se glissait dans la salle à manger. Aussitôt, on entendit Véronique qui le poursuivait avec un torchon. Elle entra, en disant :

— J’ai eu besoin dans la remise, il s’est échappé. Jusqu’à la fin, il faudra qu’il soit où vous êtes ; pas moyen de faire une enjambée, sans l’avoir dans ses jupes… Allons, viens, tu ne peux rester là.

Le chien baissait sa vieille tête branlante, d’un air doux et, humble.

— Oh ! laisse-le, supplia Pauline.

Mais la bonne se fâchait.

— Pour ça, non, par exemple !… J’en ai assez, d’essuyer le sang derrière lui. Voilà deux jours que ma cuisine en est pleine. C’est dégoûtant… La salle va être propre, s’il se trimballe partout… Allons, houp ! veux-tu te dépêcher !

— Laisse-le, répéta Lazare. Va-t’en.

Alors, pendant que Véronique refermait furieusement la porte, Mathieu, comme s’il avait compris, vint appuyer sa tête sur le genou de son maître. Tous voulurent lui faire fête, on cassa du sucre, on tâcha de l’exciter. Autrefois, le petit jeu de chaque soir était de poser un morceau de sucre, loin de lui, de l’autre côté de la table ; vite, il faisait le tour, mais