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dernier fit disparaître sa pipe, en entendant un bruit de pas derrière les poiriers. C’était Pauline qui venait chercher son cousin.

— Le docteur est à la maison, expliqua-t-elle, et je l’ai invité à déjeuner… Rentre tout de suite, n’est-ce pas ?

Elle souriait, car elle avait aperçu la pipe, sous la blouse de l’abbé. Celui-ci la reprit aussitôt, avec le bon rire qu’il avait, chaque fois qu’on le voyait fumer.

— C’est trop bête, dit-il, on croirait que je commets un crime… Tenez ! je veux en rallumer une devant vous.

— Vous ne savez pas ? monsieur le curé, reprit gaiement Pauline, venez déjeuner chez nous avec le docteur, et celle-là, vous la fumerez au dessert.

Du coup, le prêtre, enchanté, cria :

— Eh bien ! j’accepte… Partez devant, je vais passer ma soutane. Et j’emporte ma pipe, parole d’honneur !

Ce fut le premier déjeuner où, de nouveau, des rires sonnèrent dans la salle à manger. L’abbé Horteur fuma au dessert, ce qui égaya les convives ; mais il mettait à ce régal une telle bonhomie, que cela parut naturel tout de suite. Chanteau avait mangé beaucoup, et il se détendait, soulagé par ce souffle de vie qui rentrait dans la maison. Le docteur Cazenove racontait des histoires de sauvages, tandis que Pauline rayonnait, heureuse de ce bruit dont la distraction allait peut-être tirer Lazare de ses humeurs sombres.

Dès lors, la jeune fille voulut reprendre les dîners du samedi, interrompus par la mort de sa tante. Le curé et le médecin revinrent régulièrement, l’exis-