Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/207

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la porte. Mon Dieu ! qu’avait-elle fait, pour que chacun la trompât, lorsqu’elle était fidèle à tous ?

— Je t’en supplie, tais-toi, ça m’étouffe.

Alors, Véronique, en la voyant si émue, se contenta d’ajouter sourdement :

— C’est pour vous, ce n’est pas pour elle, si je n’en dis pas davantage… Eh ! aussi elle est là, depuis la matinée, à vomir sur votre compte un tas d’horreurs ! La patience m’échappe à la fin, mon sang bout, quand je l’entends tourner en mal le bien que vous lui avez fait… Parole d’honneur ! elle prétend que vous les avez ruinés et que vous lui tuez son fils. Allez écouter à la porte, si vous ne me croyez pas.

Puis, comme Pauline éclatait en sanglots, Véronique éperdue lui saisit la tête entre ses mains, et lui baisa les cheveux, en répétant :

— Non, non, mademoiselle, je ne dis plus rien… Il faut pourtant que vous sachiez. Ça devient trop bête, d’être dévorée ainsi… Je ne dis plus rien, calmez-vous.

Il y eut un silence. La bonne éteignait la braise qui restait dans le fourneau. Mais elle ne put s’empêcher de murmurer encore :

— Je sais pourquoi elle enfle : sa méchanceté lui est tombée dans les genoux.

Pauline, qui regardait fixement un des carreaux de la cuisine, la pensée confuse et lourde de chagrin, leva les yeux. Pourquoi Véronique disait-elle cela, est-ce que l’enflure avait reparu ? Celle-ci, embarrassée, dut manquer à sa promesse de silence. Elle se permettait bien de juger madame, mais elle lui obéissait. Enfin, les deux jambes étaient prises depuis la nuit, et il ne fallait pas le répéter devant monsieur Lazare. Pendant que la bonne donnait ces