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LES ROUGON-MACQUART.

La maison semblait vide, le lourd silence était retombé, et la continuelle lamentation du malade éclatait plus haute. Comme Pauline descendait la dernière marche, Lazare, qui revenait de la cour, se trouva en face d’elle. Tout son corps fut pris d’un tremblement nerveux. Il s’arrêta une seconde, il voulait sans doute s’accuser, demander pardon. Mais des larmes le suffoquèrent, et il remonta violemment chez lui, sans avoir rien pu dire. Elle, les yeux secs, la face grave, était entrée dans la chambre de son oncle.

En travers du lit, Chanteau étendait toujours le bras et renversait la tête sur le traversin. Il n’osait plus bouger, il ne devait même pas s’être aperçu de l’absence de la jeune fille, serrant les yeux, ouvrant la bouche, pour crier à l’aise. Aucun des bruits de la maison ne lui parvenait, sa seule affaire était de pousser sa plainte jusqu’au bout de son haleine. Peu à peu, il la prolongeait désespérément, au point d’incommoder la Minouche, dont on avait encore jeté quatre petits le matin, et qui, déjà oublieuse, ronronnait d’un air béat sur un fauteuil.

Quand Pauline reprit sa place, l’oncle hurlait si fort, que la chatte se leva, les oreilles inquiètes. Elle se mit à le regarder fixement, avec son indignation de sage personne dont on trouble le calme. S’il n’y avait plus moyen de ronronner en paix, cela devenait impossible ! Et elle se retira, la queue en l’air.