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LA JOIE DE VIVRE.

— Dis-lui qu’elle ne peut laisser Monsieur dans l’état où il est… Entends-tu ?

— Oh ! pour ça, avoua Véronique, il gueule ferme, c’est bien vrai.

Elle monta, pendant que Madame, qui avait allongé la tête vers la chambre de son mari, se gardait d’en refermer la porte. Les plaintes s’engouffraient dans la cage de l’escalier, élargies par la sonorité des étages. En haut, la bonne trouva mademoiselle sur le point de partir, ayant noué en un paquet le peu de linge nécessaire, et résolue à faire prendre le reste, dès le lendemain, par le père Malivoire. Elle s’était calmée, très pâle encore, désespérée, mais d’une raison froide, sans colère aucune.

— Ou elle, ou moi, répondit-elle à toutes les paroles de Véronique, en évitant même de nommer Louise.

Quand Véronique rapporta cette réponse à madame Chanteau, celle-ci se trouvait justement dans la chambre de Louise, qui s’était habillée et qui s’obstinait aussi à partir tout de suite, tremblante, effarée au moindre bruit de porte. Alors, madame Chanteau dut se résigner ; elle envoya prendre à Verchemont la voiture du boulanger, elle décida qu’elle accompagnerait elle-même la jeune fille chez sa tante Léonie, qui habitait Arromanches ; et on raconterait une histoire à cette dernière, on prétexterait la violence de la crise de Chanteau, dont les cris devenaient insupportables.

Après le départ des deux femmes, que Lazare avait mises en voiture, Véronique lança du vestibule, à plein gosier :

— Vous pouvez descendre, mademoiselle : il n’y a plus personne.