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LES ROUGON-MACQUART.

nait les siens. Puis, elle monta dans sa chambre, en disant d’une voix brève :

— C’est bien, c’est moi qui pars.

Le silence recommença, un lourd silence où la maison entière semblait s’anéantir. Et, dans cette paix soudaine, la plainte de l’oncle monta de nouveau, une plainte de bête agonisante et abandonnée. Sans relâche, elle s’enflait, se dégageait des autres bruits, qu’elle finissait par couvrir.

Maintenant, madame Chanteau regrettait le soupçon qui lui était échappé. Elle en sentait l’injure irréparable, elle éprouvait une inquiétude à l’idée que Pauline allait exécuter sa menace de départ immédiat. Avec une tête pareille, toutes les aventures devenaient possibles ; et que dirait-on d’elle et de son mari, si leur pupille battait les chemins en racontant l’histoire de la rupture ? Peut-être se réfugierait-elle chez le docteur Cazenove, cela ferait un scandale horrible dans le pays. Au fond de cet embarras de madame Chanteau, il y avait la terreur du passé, la crainte de l’argent perdu, qui pouvait se dresser contre eux.

— Ne pleure pas, Louisette, répétait-elle, reprise de colère. Tu vois, nous voilà encore dans de beaux draps par sa faute. Et ce sont toujours des violences, impossible de vivre tranquille !… Je vais tâcher d’arranger ça.

— Je vous en supplie, interrompit Louise, laissez-moi partir. Je souffrirais trop, si je restais… Elle a raison, je veux partir.

— Pas ce soir en tout cas. Il faut que je te remette à ton père… Attends, je monte voir si elle fait réellement sa malle.

Doucement, madame Chanteau alla écouter à la