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LA JOIE DE VIVRE.

tage, révoltée dans son horreur du mensonge et dans la fidélité de ses tendresses. Lorsqu’on s’était donné, on ne se reprenait pas.

— Va-t-en ! fais ta malle tout de suite… Va-t-en !

Louise, bouleversée, ne trouvant plus un mot de défense, avait déjà ouvert un tiroir, pour en sortir ses chemises. Mais madame Chanteau se fâchait.

— Reste, Louisette !… À la fin, suis-je la maîtresse chez moi ? Qui ose commander ici et se permettre de renvoyer le monde ?… C’est odieux, nous ne sommes pas à la halle !

— Tu n’entends donc pas ? cria Pauline, je viens de la surprendre là-haut avec Lazare… Il l’embrassait.

La mère haussait les épaules. Toute sa rancune amassée lui échappa dans une phrase de honteux soupçon.

— Ils jouaient, où est le mal ?… Est-ce que, lorsque tu étais au lit et qu’il te soignait, nous avons mis le nez dans ce que vous pouviez faire ?

Brusquement, l’excitation de la jeune fille tomba. Elle restait immobile, très pâle, saisie de cette accusation qui se retournait contre elle. Voilà qu’elle devenait la coupable, et que sa tante avait l’air de croire des choses affreuses !

— Que veux-tu dire ? murmura-t-elle. Si tu avais pensé cela, tu ne l’aurais sans doute pas toléré chez toi ?

— Eh ! vous êtes assez grands ! Mais je n’entends pas que mon fils s’achève dans l’inconduite… Laisse tranquille les personnes qui peuvent encore faire d’honnêtes femmes.

Pauline demeura un instant muette, ses larges yeux purs fixés sur madame Chanteau, qui détour-