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LES ROUGON-MACQUART.

Louise, éperdue, les yeux vacillants, balbutiait :

— C’est lui qui me tenait, qui me cassait les os.

— Lui ? laisse donc ! il aurait éclaté en larmes, si tu l’avais seulement poussé.

La vue de la chambre fouettait encore sa rancune, cette chambre de Lazare où ils s’étaient aimés, où elle aussi avait senti brûler le sang de ses veines, au souffle ardent du jeune homme. Qu’allait-elle donc faire à cette femme, pour se venger ? Stupide d’embarras, il se décidait enfin à intervenir, quand elle lâcha si brutalement Louise, que les épaules de celle-ci tapèrent contre l’armoire.

— Tiens ! j’ai peur de moi… Va-t-en !

Et, dès lors, elle n’eut plus que ce mot, elle la poursuivit à travers la pièce, la jeta dans le corridor, lui fit descendre les marches, en la souffletant du même cri.

— Va-t-en ! va-t-en !… Prends tes affaires, va-t-en !

Cependant, madame Chanteau était restée sur le palier du premier étage. La rapidité de la scène ne lui avait pas permis de s’interposer. Mais elle retrouvait sa voix ; elle donna d’un geste à son fils l’ordre de s’enfermer chez lui ; puis, elle tâcha de calmer Pauline, en affectant la surprise d’abord. Cette dernière, après avoir traqué Louise jusque dans la chambre où celle-ci couchait, répétait toujours :

— Va-t-en ! va-t-en !

— Comment ! qu’elle s’en aille !… Perds-tu la tête ?

Alors, la jeune fille bégaya l’histoire. Un dégoût la soulevait, c’était pour sa nature droite l’action la plus honteuse, sans excuse, sans pardon ; et, à mesure qu’elle y songeait, elle s’emportait davan-