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LA JOIE DE VIVRE.

moins seul, s’imaginant que la présence du chien lui était favorable. Mais il avait surtout dans Minouche une compagne fidèle, car elle adorait les chambres closes des malades, elle passait maintenant les journées sur un fauteuil, en face du lit. Les plaintes trop vives semblaient pourtant la surprendre. Quand il criait, elle restait assise sur sa queue, elle le regardait souffrir de ses yeux ronds, où luisait l’étonnement indigné d’une personne sage, dérangée dans sa quiétude. Pourquoi faisait-il tout ce bruit désagréable et inutile ?

Chaque fois que Pauline accompagnait le docteur Cazenove, elle le suppliait.

— Ne pouvez-vous donc lui faire une piqûre de morphine ? J’ai le cœur brisé de l’entendre.

Le docteur refusait. À quoi bon ? l’accès reviendrait plus violent. Puisque le salicylate paraissait avoir aggravé le mal, il préférait ne tenter aucune drogue nouvelle. Pourtant, il parlait d’essayer le régime du lait, dès que la période aiguë de la crise serait passée. Jusque-là, diète absolue, des boissons diurétiques, et rien autre.

— Au fond, répétait-il, c’est un gourmand qui paie trop cher les bons morceaux. Il a mangé du gibier, je le sais, j’ai vu les plumes. Tant pis, à la fin ! je l’ai assez prévenu, qu’il souffre, puisqu’il aime mieux se gaver et en courir les risques !… Mais ce qui serait moins juste, mon enfant, ce serait que vous vous remissiez au lit. Soyez prudente, n’est-ce pas ? votre santé demande encore des ménagements.

Elle ne se ménageait guère, donnait toutes ses heures, et la notion du temps, de la vie même, lui échappait, dans les journées qu’elle passait près de